Conséquences en termes d’engagement …

Il est indispensable au psychanalyste symbolique de continuer suffisamment longtemps son analyse individuelle ou de reprendre à plusieurs moments de sa vie des «tranches» supplémentaires d’analyse  pour développer, enraciner, préserver sa relation intime avec le Soi. Le seul trésor thérapeutique qu’il amène à l’analysant, c’est en effet son amitié réelle avec le Soi. S’il ne peut communiquer celle-ci, si elle ne transparait pas naturellement dans les interprétations symboliques qu’il propose, l’analyse risque fort de n’être qu’un «fonctionnement» froid et stérile.

-Le psychanalyste symbolique n’exerce aucune «autorité» dans l’analyse, mais est là pour aider l’analysant à entrer en relation avec la véritable source d’autorité créatrice qui est intérieure à ce dernier, et se manifeste à travers le matériau objectif de ses rêves : le Soi. Il doit ainsi toujours confronter son intuition personnelle à la réalité de ce matériau objectif, ne jamais imposer une interprétation. Il est très essentiel de vérifier toujours qu’une interprétation parle à l’analysant. C’est celui-ci qui valide l’interprétation et doit donc avoir le dernier mot du travail, toujours.

-Le psychanalyste symbolique se doit donc d’aider l’analysant à très vite prendre conscience qu’il n’est pas le guide ou le directeur de conscience que peut-être celui-ci désirerait trouver, et qui l’inféoderait à sa personne. Il doit en conséquence pouvoir s’affranchir de toute obligation de résultat et de tout devoir d’être infaillible, puisque la source du sens, ce n’est pas lui, mais le Soi qui s’exprime à travers le matériau objectif du rêve ou des synchronicités. Les deux, analyste et analysant, sont réunis autour du troisième qui est le Soi, dans une situation d’égalité ontologique, et les deux avancent ensemble pour comprendre ce que veut le Soi dans la vie de l’analysant. Il se pourrait fort bien que les deux ne comprennent pas immédiatement la complexité symbolique d’un rêve. Plutôt que de se le cacher et de faire comme si on le comprenait en expédiant une interprétation toute faite, le psychanalyste symbolique doit faire confiance au processus de l’analyse. De rêve en rêve, de synchronicité en synchronicité, le Soi finira par se faire comprendre. Le principe de cette confiance dans le processus doit être posé dés le début de l’analyse.

-Le psychanalyste symbolique doit prendre garde de ne pas se projeter au centre de la relation de travail au détriment de la relation au «trois», au Soi qui elle seule est créatrice. Ceci implique bien évidemment pour commencer qu’il s’abstienne de toute relation sexuelle ou de séduction avec les analysants. Qu’il ne favorise en rien leurs projections transférentielles, en leur imposant des directives à partir de son bon sens personnel et de sa logique mentale, au lieu de les aider à rechercher dans leurs propres rêves la direction interne de leur vie. S’il agissait ainsi, il s’arrogerait indûment la place du Soi pour l’analysant et il pourrait en résulter les pires dommages pour eux deux. Dans tous les cas, il viderait la voie symbolique (des rêves) de tout intérêt.

-Il est, dans son éthique professionnelle de ne jamais prolonger indûment la relation et il doit être vigilant pour repérer dans les rêves de l’analysant et les siens propres les symboles qui indiqueraient si, du point de vue du Soi, cette relation n’a plus lieu d’être.

-L’analyste et l’analysant constituent tous deux dans leur relation inconsciente une communauté symbolique travaillée par le Soi. Les rêves de l’analysant sont l’expression de cette communauté symbolique, et il est sain que l’analyste puisse trouver dans ces rêves, non pas ce qui se rapporte uniquement au rêveur, mais aussi matière à enseignement et interpellation pour lui-même et sa pratique de psychanalyste. C’est le travail qui doit normalement être fait dans les séances de supervision. La supervision est indispensable au psychanalyste symbolique, comme une condition éthique sine qua non, notamment dans les premières années de sa pratique, pour l’aider à graviter toujours plus intensément autour du Soi, pour le plus grand bénéfice des personnes qu’il accompagne.

-La psychanalyse symbolique ne fonctionne réellement que par cette communauté symbolique inconsciente que le Soi constitue entre l’analyste et l’analysant, sans qu’il soit besoin que ceux-ci le veuillent  consciemment ou fassent un effort pour cela. C’est ce bain psychique commun constitué par l’union de leurs deux inconscients qui fait que l’analysant reçoit des rêves que l’analyste peut en dernière analyse comprendre. Les symboles des rêves se forment dans ce fond commun inconscient. Cette communauté symbolique n’est bien évidemment opérationnelle que dans les limites de la séance d’analyse. En dehors, les deux sont psychologiquement des personnes séparées, et elles doivent le rester.

Conscient de ce processus,  le psychanalyste symbolique se doit de développer en direction de l’analysant une attitude éthique qui soit conforme à l’existence de cette communauté symbolique et favorise son travail inconscient. Il se doit notamment de manifester un accueil amical chaleureux et de montrer une compassion et une solidarité inconditionnelle face aux souffrances de l’analysant. L’analyste symbolique ne juge pas l’analysant. Il se peut que celui-ci puisse recevoir des rêves qui l’interpellent rudement. L’analyste s’en fait évidemment l’interprète, mais ce n’est pas lui qui juge. En tant que personne, il reste bienveillant et encourageant. Un cas limite cependant à cette attitude : l’analyste se doit, au nom des droits de l’homme et des lois ontologiques, de se désolidariser en tant que personne de toute attitude inhumaine, violente ou d’abus sexuel (inceste, viol, pédophilie) qui serait le fait de l’analysant dans le temps présent de l’analyse. Et il se doit de dénoncer les crimes sanctionnés par la loi de la République.

-L’écoute et la contemplation du processus intérieur, et notamment le travail des rêves, demandent du temps pour s’effectuer sérieusement. Il est donc juste que le psychanalyste symbolique propose des séances d’analyse suffisamment longues pour que le travail ne soit pas expédié et bâclé. L’expérience nous montre que des séances d’1H 30 sur des créneaux de 2H est la formule optimum. Des pauses régulières d’une demi-heure après chaque séance sont précieuses pour l’analyste, comme des sas de repos et de décontamination, pour accueillir d’un regard neuf la nouvelle personne, dans la séance nouvelle.

-Le psychanalyste symbolique offrant son temps et toutes les ressources de sa vie intérieure à l’accompagnement de l’analysant, il est naturel qu’il reçoive une juste rémunération de celui-ci. Les valeurs de compassion et de bienveillances inhérentes à la relation symbolique impliquent cependant qu’il tienne compte de la situation financière réelle (et non imaginaire) de l’analysant lorsqu’elle se dégrade pour, éventuellement moduler son prix, lorsque demande en est faite. Cette solution n’est envisageable, cependant, que pour les personnes qui honnêtement désirent consacrer tous leurs efforts au travail de l’analyse symbolique.

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